Poursuite du vent

installation interactive

Conception & composition: Jean-Baptiste Barrière,

Réalisation des images: Pierre-Jean Bouyer

Vidéo & régie: Isabelle Barrière


Création dans la grange de l’Abbaye de Maubuisson, Mai 2002


L’espace clos de la grange est séparé en deux parties adjacentes. Au centre de chacune d’elle, un miroir-écran. Le visiteur qui entre dans un des deux espaces se trouve immédiatement confronté à sa propre image, projetée sur ce miroir-écran, et s’il parle, il découvre aussi le reflet sonore de sa propre voix. Cette image et cette voix lui ressemblent, mais paraissent à la fois proches et lointaines, fidèles et déformées. Au reflet du spectateur se superpose en effet une image qui vit et se transforme selon la manière dont il se comporte dans l'espace. En fonction de ses mouvements, analysés par l'ordinateur - lents ou rapides, concentrés ou larges -, il définit la nature de son autoportrait, sans cesse recomposée à partir de son image et de sa voix. Certains gestes sont mémorisés et réapparaissent ultérieurement, comme si le passé venait périodiquement hanter le présent.


Au fur et à mesure de son exploration, un monde d'abord caché se révèle peu à peu au visiteur. Son image est enrichie d'éléments de son passé immédiat capturés dans cette situation singulière, mais aussi d'éléments extérieurs qui le rendent étranger à lui-même.


Mais l’autoportrait se transforme peu à peu. Le reflet se mue en l’image de l’autre visiteur dans l’autre pièce : le visiteur se retrouve face au reflet de l’autre. Évoluant de manière parallèle, les deux reflets se transforment et s’échangent : l’un devient l’autre, puis redevient lui-même, et ainsi de suite dans un cycle très lent. L’autoportrait explore alors le troublant entre-deux qui va de l'identité à l'altérité.


Quand le reflet devient celui de l’autre, les deux visiteurs peuvent alors communiquer, se parler ; jusqu’à ce qu’ils retrouvent chacun leur propre reflet, et se retrouvent par conséquent seuls face à eux-mêmes.


Avec le temps cependant, la transformation se poursuit : le reflet de l’autre s’altère progressivement, et cette altérité se révèle toujours plus étrange, Ces reflets devenus autonomes traversent d’autres scènes imaginaires, font places à des chimères, qui ne laissent que très épisodiquement la place au retour du reflet du visiteur.

Le visiteur peut s’accommoder de ces reflets étrangers, tenter d’explorer leur identité ; mais il peut choisir de les combattre pour retrouver son propre reflet. Il va devoir trouver face au miroir l’attitude qui lui rendra ou non son reflet.


Parfois aussi ces miroirs deviennent des portes, ouvrant sur des univers où les protagonistes se retrouvent soudainement transportés et enfin réunis. Ces univers oniriques et sensuels leur font découvrir des espaces improbables comme hantés par des chœur mystérieux qui parcourent tout l’espace de la grange.


L’installation explore les tentatives d’aller à la rencontre de l’autre à travers ces miroirs, à la fois singuliers et doubles, dont les reflets électroniques ont une vie autonome qui échappe à notre tentative de les maîtriser. Des hommes et des femmes tentent de se parler, de communiquer, en se déplaçant face aux miroirs qui leur renvoient à certains moments leur propre reflet transformé, et parfois celui d’un autre. Chacun doit apprendre à se comporter face à son propre reflet, pour trouver l’autre, et éventuellement se (re)trouver soi-même. Entre-temps, chacun sera devenu l’autre, dans un processus où l’un et l’autre fusionnent, s'hybrident, rencontrent des simulacres, et connaissent des devenirs inattendus.

Se joue ainsi la mise en scène de la constitution de l’individualité et de l’altérité, à travers la perception de soi-même et de l’autre, l’exploration des jeux et des drames de la communication, dont les miroirs sont les instruments énigmatiques.


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