L’opéra en version de concert

avec création visuelle :

une nouvelle forme artistique

Ces dernières années, les concerts avec images ont proliféré. Souvent pour de mauvaises raisons : les organisateurs ont peur que le grand public, de plus en plus façonné par la culture de l’image (de la télévision, en passant par le multimédia, jusqu’aux jeux vidéo), ne soit plus capable d’écouter la musique sans le recours à l’image.


On en a appelé donc au pouvoir de l’image au secours de la musique, pour attirer le grand public.


Une telle stratégie ne peut que faire long feu. Elle est de toute évidence, autodestructrice des objets artistiques qu’elle produit, dès lors que sa nécessité trouve sa source hors du champs artistique. D’un point de vue esthétique , elle est aussi tout à fait inacceptable, parce qu’elle repose sur une supposée faiblesse constitutive de la musique par rapport à l’image.


S’il est vrai qu’il est quasiment impossible d’échapper aujourd’hui à la domination de l’image, omniprésente, la musique pure pourrait être tentée de se constituer comme un espace de résistance, où les seules images qui prévalent devraient être les images mentales construites par la perception/cognition de l’auditeur en situation d’écoute, que ce soit en concert ou dans tout autre pratique d’écoute musicale.


Dès lors, persévérer dans la confrontation de la musique et de l’image, peut paraître un défi prométhéen, emphatiquement sacrilège ou tout simplement voué à l’échec, suivant le point de vue – d’écoute ? – où l’on se place.


L’enjeu artistique devrait être tout autre : dans la recherche de nouvelles formes croisées entre l’image et la musique, parmi lesquelles l’opéra en concert avec création visuelle, peut représenter un chemin particulièrement fécond, de par la nature pluridisciplinaire de l’opéra même, qui en fait un modèle historique pour la création interdisciplinaire.


Maie cela nécessite qu’on accepte véritablement le défi artistique que sous-tend une telle forme. Pour aller droit à l’essentiel : si l’image n’apporte rien au discours, à la musique, si elle ne réussit pas à constituer une nouvelle totalité organique avec la musique, c’est qu’elle n’a pas sa place dans le projet.


Le pire se produisant quand une dimension parasite l’autre, quand l’image empêche d’écouter la musique.


L’enjeu artistique ne saurait en effet disparaître derrière un jeu d’égos, où, entre plasticiens et compositeurs, s’instaure une compétition malsaine, proprement destructrice, pour savoir qui de l’un ou de l’autre aura « le dessus ». Trop de collaborations artistiques tombent dans ce travers, et aboutissent à des discours parallèles, qui, quelque soient leurs mérites respectifs, ne se rencontrent jamais.


L’opéra en situation de concert avec création visuelle représente un enjeu majeur pour la création dans les années à venir. Il faut profiter de cette situation, qui fait que pour des raisons économiques on montera de moins en moins les opéras avec mises en scène mais plutôt en concert, et faire d’une mauvaise raison, une chance pour la création artistique.


Mais cela avec une rigueur et une exigence artistique maximales. Et dans le respect et la compréhension mutuels, croisés, de la musique et de l’image.


Jean-Baptiste Barrière